mardi 11 août 2009

Les affaires continuent ! ( « Le soir illustré » du mercredi 27 novembre 1996 page 41)


Les affaires continuent !

« Le soir illustré » du mercredi 27 novembre 1996 page 41

Pendant qu'on s'interroge sur les tenants et les aboutissants des dossiers Di Rupo et Grafé, les «affaires» continuent. Où l'on reparle des tueries du Brabant, de la commission d'enquête sur l'enquête Dutroux et autres joyeusetés.

- Les avocats des parties civiles dans le dossier des tueries du Brabant Wallon, Me Magnée et Graindorge, ont frappé fort. Ils ont dévoilé une liste de 19 gendarmes qui seraient en mesure de fournir des informations sur ces tueries, soit comme participants, soit comme témoins. Cette piste privilégie la théorie d'un complot déstabilisateur de la Belgique au cours des années `80, complot émanant de la tête de la Gendarmerie.

Ils mettent en cause le patron de la Gendarmerie de l'époque, le général Beaurir, décédé récemment, et trois anciens officiers de l'Etat-Major. Quant aux sous-officiers, ils s'agit de personnages impliqués dans les actions de Madani Bouhouche et de Robert Beijer, de membres de la BSR de Bruxelles et de membres du Groupe G, un groupe d'extrême droite interne à la Gendarmerie et manipulé par le Front de la Jeunesse.

REPENTIS

- Ce n'est pas la première fois que cette théorie est émise depuis les débuts de l'enquête sur les tueries. Selon Me Magnée, il s'agit pour les parties civiles de mettre la pression tant sur la justice (pour qu'elle enquête enfin sérieusement sur cette piste négligée) que sur les témoins potentiels. Dans ce cadre, alors qu'on sait que depuis plusieurs mois, des témoins seraient prêts à parler, la balle est aujourd'hui dans le camp des autorités judiciaires et du monde politique. Car pour que certains se mettent définitivement à table, il faudrait qu'à l'instar de l'Italie ou des États-Unis, la Belgique se dote d'une loi sur les repentis ou d'un programme de protection des témoins.

DUTROUX

- D'autre part, la commission d'enquête sur l'affaire Dutroux a été secouée ce week-end par les révélations d'un de ses membres, le socialiste Serge Moureaux, qui a affirmé que des services de police se livraient à des enquêtes sur la vie privée des membres de la commission. Histoire de pouvoir les mettre sous pression au cas où.

- Serge Moureaux n'a pas précisé le service qu'il visait. Côté PJ, on sait que certains de ses membres sont soupçonnés d'avoir couvert Dutroux dans son trafic de voitures volées. Côté Gendarmerie, c'est l'opération Othello qui pourrait lui causer de sérieux ennuis.

- Cette semaine, la commission a fait procéder à une perquisition dans les locaux du BCR, à la recherche de preuves concernant l'éventuelle destruction de documents sur l'opération Othello. Certains membres de la PJ de Charleroi, perquisitionnés lors de l'opération Zoulou attaquent l'État belge, estimant qu'ils ont été victimes d'une perquisition abusive. A ce propos, rectifions une erreur publiée la semaine dernière: ce n'est pas la PJ de Charleroi mais le Comité Supérieur de Contrôle qui a effectué les perquisitions chez nos confrères de Télé-Ciné-Revue.

LIÈGE TOUJOURS

- A Liège, Alain Van der Biest a bénéficié d'un non-lieu dans l'affaire dite des titres volés. Il avait été inculpé de complicité par le juge d'instruction Jean Marc Connerotte. On sait que depuis le dessaisissement de ce dernier en juin 1994, la justice liégeoise ne s'était guère intéressée à ce dossier. En avril, elle l'avait renvoyé devant la chambre du conseil en demandant le non lieu pour l'ancien ministre. Mais avec les «rebondissements» de septembre dernier dans le dossier assassinat d'André Cools, le parquet de Liège avait révisé sa position et demandé le retour du dossier pour complément d'enquête. Ce que la chambre du conseil avait refusé. Le parquet a t-il été pris à son propre piège?

- Quant à l'enquête sur l'assassinat d'André Cools, la juge d'instruction Véronique Ancia et le premier substitut Rasir se sont envolés pour Tunis. Ils espèrent sans doute que l'interrogatoire des deux tueurs pourra leur fournir quelques renseignements sur les commanditaires de cet assassinat.

Philippe Brewaeys.

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LE MACCARTHYSME ET LES VIEUX DÉMONS

« Le soir illustré » du mercredi 27 novembre 1996 page 41

Chasse aux sorcières, maccarthysme, les démons de l'intolérance sont évoqués avec régularité lorsqu'il s'agit de dénoncer le systématisme d'attaques mettant en cause les appartenances philosophiques, religieuses et politiques des personnes ou, bien plus largement, toutes persécutions frappant un groupe d'individus victimes de discrimination.

A propos des attaques formulées contre Elio Di Rupo, le président du CVP, Marc Van Peel,déclarait «Gare à la chasse aux sorcières comme au temps du maccarthysme». Elio Di Rupo, lui-même, concluait un communiqué où il faisait part de son indignation devant «les coups bas», dont il était victime, par ces mots:

«Je refuse de voir notre pays sombrer dans une chasse aux sorcières, un maccarthysme de la pire espèce».

En fait, la vague de répression idéologique qui déferla aux Etats-Unis en 1947, était l'expression excarbée de l'anti-communisme qui régnait dans ce pays. Le sénateur du Wisconsin, Joseph R. McCarthy qui incarna

la procédure inquisitoriale destinée à traquer les «mauvais Américains» jusque dans les studios d'Hollywood, ne fut qu'une des têtes d'affiche d'un mouvement qui l'avait précédé et lui avait survécu. McCarthy exerça

son action répressive de .1947 à 1954, date à laquelle il fut désapprouvé par son propre parti et blâmé par le Sénat pour ses actions irresponsables, ses calomnies et ses abus de pouvoir.

Pourtant, la «Commission des activités anti-américaines», constituée en 1938, ne disparut qu'en 1975.

Le maccarthysme fut une terrifiante période de régression des libertés fondamentales aux Etats Unis, où les procès en sorcellerie du sénateur étaient l'expression d'une forme de totalitarisme très voisine du stalinisme.

En 1947, la Commission des activités anti-américaines était composée de neuf membres, dont beaucoup affichaient leur sympathie pour l'extrême droite, le Ku Klux Klan et même le nazisme. La délation était au coeur du système répressif, utilisé non pour suppléer l'investigation, mais comme instrument d'humiliation, plaçant souvent le délateur sur le même banc d'infamie que le défoncé, prouvant de façon éclatante la lâcheté des mauvais Américains, brisant psychologiquement les «amis des rouges» qui avaient parlé.

L'atmosphère délétère qui règne actuellement en Belgique, l'exaspération des citoyens exigeant des gages de morale publique et perdant peu à peu confiance dans les institutions qui les représentent, ne correspondent sûrement pas au climat de l'Amérique maccarthyste, où le pouvoir organisait la «chasse au rouge».

Difficile d'identifier ce que certains dénoncent comme des manoeuvres de déstabilisation à la répression qui sévissait au Etats-Unis. Si l'on pense à l'ambiance névrotique dont notre pays tout entier semble atteint, l'expression « chasse aux sorcières » peut effectivement évoquer les démons qui torturent l'âme des Belges.

Alain Van Der Eecken.

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